Redaction
J’avais cinq ou six ans. J’étais-je crois- en grande section et on avait à réviser les mots appris en classe. Ma mère ne savait pas lire ni écrire, mais à l’époque je l’ignorais et ainsi, pour les révisions, c’était elle qui faisait le contrôle en faisant semblant de suivre ce que j’ai à réciter.
Je me souviens qu’il y avait des images et que je devais lui dire le nom de chacune. Parmi ces images, il y avait celle d’une carotte. J’avais réussi à tout dire sans hésitation, mais le mot carotte m’avait complètement échappé. J’avais fouillé dans les coins de ma mémoire enfantine, je ne réussissais pas à me rappeler.
Je suppliai alors ma mère de me le dire, en jurant que la fois prochaine je serais plus attentive en classe. Elle refusait systématiquement en me disant que c’était ma faute et qu’elle avait l’impression que je n’étais pas assez attentive en classe. A force de supplier et de pleurer, elle fit semblant d’être attendrie, et elle me dit:
« Moi, j’ai juré ne pas te le dire, mais puisque tu insistes, tu n’as qu’à descendre chez le concierge de l’immeuble pour lui demander ».
Le concierge, lui, était soudanais et donc savait très bien le français. J’étais descendue chez lui et je lui avais posé la question. Il m’avait répondu volontiers.
Et depuis ce jour-là, je n’ai jamais négligé en classe et je suis restée la première de mes classes pour faire plaisir à ma chère maman.
Cette anecdote évoquée est l’un des souvenirs mémorables de mon enfance. C’est mon bonheur perdu.
9 octobre 2011 à 19 h 52