La flexibilité
Michel Husson in Fondation Copernic, Pour en finir avec la précarité, Syllepse, 2007
L’économie dominante a réussi à élever au rang de loi économique cette idée selon laquelle la flexibilité serait le meilleur moyen de créer des emplois et de faire reculer le chômage. Cette assertion, qui est tout simplement fausse, s’inscrit dans un long processus de validation des recommandations néo-libérales qui implique une régression de la réflexion économique. La flexibilité de l’emploi après celle du salaire Durant de longues années le discours libéral a reposé sur une affirmation : le chômage est toujours le résultat de salaires trop élevés. Cet axiome a pu être habillé de justifications théoriques diverses, mais le fond se ramenait bien à cette idée simple. La modération salariale devait permettre de créer plus d’emplois, soit en améliorant la compétitivité, soit en favorisant l’usage du « facteur travail » plutôt que celui du « facteur capital ». Or, la modération salariale s’est instaurée depuis plus de 20 ans, sous forme de gel des salaires ou d’allégements de cotisations. Mais l’emploi n’a jamais été au rendez-vous, parce que l’enchaînement prévu ne pouvait fonctionner ni théoriquement ni pratiquement. Il est venu buter sur deux principaux obstacles. L’effet sur la compétitivité ne peut fonctionner que si un pays mène isolément cette politique ; mais si tous les pays d’une zone intégrée comme l’Europe, font la même chose en même temps, tous ne peuvent gagner les uns contre les autres, et le résultat d’ensemble est un ralentissement de la croissance et de l’emploi. Quant à la « substitution capital-travail », elle obéit à d’autres critères que le coût relatif du travail : à chaque moment, une technologie domine, à laquelle la concurrence conduit à s’adapter. Résultat : les pays qui ont le mieux appliqué cette recette de la modération salariale ne sont pas ceux qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, la