Invitation au voyage baudelaire
1. UNE FORME ORIGINALE AU SERVICE DE LA MUSIQUE Les choix formels sont inédits sous la plume de Baudelaire, à commencer par celui des mètres impairs (pentasyllabes et heptasyllabes), dont Verlaine fera plus tard usage . Leur utilisation est sans doute ici justifiée par la volonté du poète de donner à son texte l’allure et le tempo d’une ballade, d’une romance ou mieux encore d’une berceuse, si l’on veut bien considérer la valeur du sommeil de la dernière strophe. Les strophes elles-mêmes, qui sont des douzains, sont remarquables par leur schéma de rimes très élaboré, où se succèdent deux rimes suivies (ad), quatre rimes embrassées (bccb) puis de nouveau deux suivies (dd) et quatre embrassées (effe). Cet enchaînement revient en fait à structurer le douzain en un contrepoint subtil de deux distiques et de deux quatrains. Le triple refrain contribue, lui, à l’enchaînement musical des douzains entre eux. Son effet mélodique, itératif et comme psalmodié, est accompagné au fil des strophes de nombreux autres effets sonores et rythmiques. On relèvera ainsi, dans la première strophe, la cadence donnée par la consonance en « m » (v. 1, 4, 5, 7), dont le discret « murmure » est peut-être précisément celui de la « douce langue natale » (maternelle ?), dont il sera question au vers 26 ; on y appréciera encore le non moins discret brouillage phonétique (« soleils », « mouillés », « ciels », «