Inconnu a cette adresse
Kressmann TAYLOR passe du côté anecdotique d’une situation à l’élargissement philosophique avec beaucoup de finesse et de subtilité. Elle sait sauvegarder l’intérêt du lecteur, l’entraîne dans un labyrinthe d’idées. Il faut attendre la fin pour comprendre qui est « inconnu à cette adresse », phrase finale et titre de son livre écrit en 1938. La boucle se referme.
Cet écrivain reconnaît ne pas avoir tout inventé. Elle s’est servie de lettres réellement écrites qui ont constitué la trame de cette nouvelle, mais elle a eu l’art de les agencer pour maintenir le suspense et faire ressortir l’essence même.
À partir d’un fait réel, l’amitié profonde et sincère entre deux hommes, marchands de tableaux, Max et Martin, vivants tous deux au départ en Californie, Kressmann TAYLOR tisse la trame de son sujet. Martin décide de retourner dans son pays d’origine, l’Allemagne tandis que Max, juif américain, reste dans son pays mais ils décident de s’écrire régulièrement pour garder la chaleur de leur amitié. L’échange des premières lettres montre le climat de confiance qui existe entre eux ainsi que leur affection réciproque :
« Mon cher Martin, laisse-moi de nouveau t’étreindre par la pensée (…) » (page 13)
Chacun parle spontanément de sa vie qui continue, de la maison de campagne achetée en Allemagne pour Martin, de la cherté de la vie et des privations pour les gens de ces deux pays, de leur chance à eux de bien gagner