Amitié et numérique
Anne Dalsuet – Si l’on prend la définition qu’en donne Aristote, l’amitié est un lien qui unit les humains, semblables et égaux. Elle constitue un modèle tant éthique que politique. C’est un lien affectif qui surpasse la simple et froide justice, une surabondance qui augmente la joie de se sentir vivant. Elle accroît la connaissance de soi et nous conduit à partager des actions et des pensées. Le paradoxe avec les réseaux sociaux c’est qu’ils exploitent les caractéristiques et les spécificités de l’amitié telles qu’ont été inscrites et codifiées par ce discours philosophique classique mais pour les adapter à des fins promotionnelles ou marchandes.
Sur Facebook, quel sens prend la notion d’amitié ?
On devient ami ou plutôt “friend “, pour reprendre la désignation de Facebook, sans nécessairement connaître l’autre, sans s’être apprivoisés. La socialisation numérique, ce que l’on appelle le “friending”, porte davantage sur la constitution de liens nouveaux que sur le renforcement de liens existants.
L’amitié s’exerce-t-elle différemment ?
On ne peut pas dire que ce soit absolument différent. Des sociologues comme Antonio Casilli ont observé que cela ne modifiait pas les amitiés préexistantes. Les amitiés s’additionnent mais ne se remplacent pas.
Comme dans le film eXistenZ de David Cronenberg, le corps risque-t-il de ne plus jouer plus un rôle fondamental à l’avenir ?
C’est vrai que l’amitié 2.0 peut déjà exister sans lieu et sans corps. Les réseaux numériques nous offrent la capacité de défier les lois habituelles de la rencontre et de l’espace social. Le corps ne joue plus un rôle ontologique fondamental. Sur les réseaux sociaux, nous pouvons décider de