« Avoir beaucoup d’amis, c’est n’avoir point d’amis », selon Aristote dans l’Ethique à Nicomaque. Dès lors, nous pouvons nous demander si, connecté sur un quelconque réseau social où on compte 130 amis, nous en avons réellement un seul. En effet, la multiplicité des « amis » sur ces réseaux pourrait tout d’abord faire penser que FaceBook et autre Myspace affadissent et amoindrissent le concept d’amitié.
L’antiquité ne pouvait se faire une idée plus différente de l’amitié. Prenons Achille et Protocle, loin d’être banale, l’amitié dans l’esprit des anciens était rare et précieuse, conquise de haute lutte. L’attachement d’Achille pour Protocle était plus fort que sa loyauté envers la cause Grecque. Cet idéal classique n’a t’il pas perdu de sa vigueur lorsqu’il suffit désormais d’un clic pour devenir ami ?
De même, l’amitié classique était extrêmement intime, « l’amitié est une âme en deux corps » disait Aristote, l’amitié de Montaigne et La Boétie est telle qu’ils ne « retrouvent plus la couture » qui a joint leurs âmes (De l’amitié, Montaigne). Cependant, à cette intimité s’oppose désormais, dans les réseaux sociaux, comme Mathilde Dangeau le rappelait à juste titre « L’Extimité », mot proposé par Jacques Lacan, que Serge Tisseron reprendra en lui assignant la signification de mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie intime de sa vie, tant physique que psychique.
Partant, il apparaît que le progrès technique a été un accélérateur : tout, désormais, va plus vite qu’autrefois, y compris la communication. Cette vitesse qui semble s’être propagée à tous les domaines de la vie sociale donne au monde contemporain une instabilité contre laquelle l’individu ne peut rien : cette vitesse paraît avoir emporté sur son passage les dernières valeurs, les derniers repères. L’amitié en fait elle partie? Naguère relation forte et intime, l’amitié serait en train de se dissoudre dans les réseaux sociaux en une illusion et une impression, n’étant plus quelque