L'école des femmes
Molière, L'école des femms
L'école des femmes : Molière, Acte II, 5
- Support : « L’Ecole des femmes » de Molière
Acte II - scène 5 - vers 503 à 542
TEXTE:
ARNOLPHE :
Fort bien.
AGNES :
Le lendemain, étant sur notre porte,
Une vieille m'aborde, en parlant de la sorte :
"Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir !
Il ne vous a pas faite une belle personne
Afin de mal user les choses qu'il vous donne ;
Et vous devez avoir que vous avez blessé
Un cœur qui de s'en plaindre est aujourd'hui forcé."
ARNOLPHE, à part :
Ah ! Suppôt de Satan ! Exécrable damnée !
AGNES :
"Moi, j'ai blessé quelqu'un ! Fis-je toute étonnée.
- Oui, dit-elle, blessé, mais blessé tout de bon ;
Et c'est l'homme qu'hier vous vîtes du balcon.
- Hélas ! qui pourrait, dis-je, en avoir été cause ?
Sur lui, sans y penser, fis-je choir quelque chose ?
- Non, dit-elle, vos yeux ont fait ce coup fatal,
Et c'est de leurs regards qu'est venu tout son mal.
- Hé ! Mon Dieu ! Ma surprise est, fis-je, sans seconde :
Mes yeux ont-ils du mal, pour en donner au monde ?
- Oui, fit-elle, vos yeux, pour causer le trépas,
Ma fille, ont un venin que vous ne savez pas.
En un mot, il languit, le pauvre misérable ;
Et s'il faut, poursuivit la vieille charitable,
Que votre cruauté lui refuse un secours,
C'est un homme à porter en terre dans deux jours.
- Mon Dieu ! J’en aurais, dis-je, une douleur bien grande ?
Mais pour le secourir qu'est-ce qu'il me demande ?
- Mon enfant, me dit-elle, il ne veut obtenir
Que le bien de vous voir et vous entretenir :
Vos yeux peuvent eux seuls empêcher sa ruine
Et du mal qu'ils ont fait être la médecine.
- Hélas ! Volontiers, dis-je ; et puisqu'il est ainsi,
Il peut, tant qu'il voudra, me venir voir ici."
ARNOLPHE, à part :
Ah ! Sorcière maudite, empoisonneuse d'âmes,
Puisse l'enfer payer tes charitables trames !
AGNES :
Voilà comme