L'intérêt gouverne t-il le monde
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Stendhal oppose l'intérêt, ou pour être exact l'ambition, à l'amour, qui apparaît comme un symbole ultime de désinterressement. On pourrait aisément en trouver beaucoup d'autres ; mais il n'en est question ici. Ce qu'on considère est l'intérêt : il importe de déterminer si l'intérêt des uns ne peut être nuisible à d'autres, et s'il existe un intérêt commun qui pourrait guider la marche du monde. À croire que l'intérêt est unique, on se laisserait aller à dire qu'il y va du même intérêt de protéger la planète et de la polluer sans souci des générations futures. Mais non ! Ce sont deux intérêts radicalement opposés ; cependant on ne peut dire « diamétralement » opposés, car ils peuvent aller, non pas de pair, mais du moins autrement que front contre front. Reprenons pour l'heure la question première qui se pose, car d'elle découlent toutes réponses possibles. Comment envisager l'intérêt ? On l'a entrevu, il n'est pas universel, du moins a priori. À y regarder de plus près, et avec plus d'attention, ce qui paraît d'abord n'être pas partagé est parfois à mettre sans réserve en partage.
En supposant que l'intérêt gouverne le monde, et que l'intérêt de chacun le poussera à vouloir pour lui ce qui lui est nécessaire, ou agréable. Dans ce que Thomas Hobbes appelle l'état de nature(1), les hommes tous égaux entre eux, et faisant valoir chacun leur intérêt propre, se livrent la guerre de tous contre tous, bellum omnium contra omnes. À cet état de nature, il oppose l'état de culture, dans lequel les humains, pour se présever de la guerre de tous contre tous, construisent un Léviathan(2), c'est à dire un État (Commonwealth), où l'intérêt de chacun comme l'intérêt commun est pris en compte, et les conflits réglés par des tierces parties. Dans les deux cas, l'intérêt gouverne le monde. Ou plutôt, il gouverne dans le second cas. En effet, à l'état de nature, il est manifeste qu'il n'y a pas de gouvernance, ni d'intérêt, ni de quoi que ce soit d'autre. La vision de Hobbes est