L'argent
L'ARGENT – Zola
Chapitre 1 : Il était onze heure. Saccard entra chez Champeaux, un restaurant parisien. Il y cherchait M. Huret. Les garçons de service lui assurèrent qu'il n'était pas encore venu. Saccard croisa différents cols blancs (hommes de change, spéculateurs boursiers...). Tous lui reversèrent un accueil froid. Mais Saccard s'assit et commanda. Le second empire lui avait permis de s'enrichir. Mais il était aujourd'hui ruiné par une affaire de terrains scandaleuse et désastreuse. Le député Huret devait venir à onze heure pour lui rendre compte des démarches dont il s'était chargé auprès de son frère, le ministre Rougon. Lui s'interroge : Son frère lui viendrait il en aide ? Dans la salle de restaurant, beaucoup parlaient de crise financière à venir. Saccard était animé d'une fièvre de revanche. Il voulait refaire fortune. Il avait d'ailleurs un coup en tête, au cas ou son frère l'abandonnerait. Alors qu'il entamait son fromage, Huret, un Normand du Calvados arriva. Il lui rapporta que son frère acceptait de faire tout son possible; il lui trouverait une très jolie situation, mais pas en France. Il lui proposait de devenir gouverneur d'une colonie. Saccard refusa ce qu'il jugait être une déportation ! Non satisfait, il s'apprêtait à quitter le restaurant. Au même moment, l'émotion gagna la salle : Gundermann, le banquier juif, roi de la bourse de Paris venait d'entrer chez Champeaux. Le vieux pape de la banque appela Saccard : « Dites donc, mon bon ami, est-ce vrai ? Vous quittez les affaires... Ma foi, vous faites bien ça vaut mieux ». Offusqué, Saccard lui répondit : « Je fonde une maison de crédit au capital de vingt-cinq millions, et je compte aller vous voir bientôt ». Une fois sorti du restaurant, il se promena. Il s'imprégnait de l'ambiance du quartier de la bourse, auquel il associait rêves et souvenirs. Il y rencontra notamment M. Busch, qui tenait un cabinet d'affaire et auquel Saccard eut à faire à plusieurs reprises.