L'ami et le flatteur aristote
Que la politique soit dans son principe une application légitime et nécessaire de la philosophie de l’esprit humain, voilà une vérité qui reste obscure au début de toutes les civilisations. Les sociétés modernes qui recueillirent l’héritage des sociétés antiques et dont l’existence est un progrès dans la vie de l’humanité, se sont elles-mêmes agitées long-temps, sans s’apercevoir que leurs destinées devaient dépendre de leurs réflexions et de leur volonté. Sur ce point il importe de relever une coïncidence féconde. La renaissance de l’antiquité et les premières lueurs de la réflexion moderne sont contemporaines, de façon que la mémoire et les souvenirs du genre humain, loin de faire obstacle à son originalité, la provoquent et la fortifient. C’est quand l’homme moderne a retrouvé les traces et les titres de ceux qui vinrent avant lui, quand il a contemplé les images, œuvres et gestes de ceux qui agirent et pensèrent fortement, qu’il a senti en lui-même sa force doubler, et le testament des morts accroître sa propre vie. S’il fut nécessaire que l’antiquité parût un instant s’abîmer dans une complète ruine, afin que la religion et les races nouvelles pussent s’établir sans mélange et sans empêchement, cette œuvre faite, il fut nécessaire aussi que l’antiquité reparût dans la mémoire du genre humain, afin que la trame des destinées générales du monde, que Dieu seul connaissait encore, fût aussi connue et comprise par l’homme.
Puisque la réflexion philosophique a été longue à se produire dans les sociétés modernes, nous ne serons pas surpris de sa lenteur dans les sociétés antiques ; et, cette fois, la lenteur fut si grande, que la philosophie ne parut dans sa splendeur qu’après l’épuisement de l’histoire politique, et sur les ruines de la liberté : c’est qu’elle paraissait, non pour la Grèce elle-même, mais pour le monde ; ce n’était pas pour Athènes, mais pour nous que parlaient dans l’Académie Aristote et Platon.
Quand on voit autre chose