Il occupe volontairement des lieux chargés d’histoire et de sens, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs. Incrusté au sein de panneaux électoraux, dans des drapeaux, des murs ou des barrières, des symboles de la Chine (cité interdite, mausolée de Mao Zedong) ou de l’industrialisation (bulldozer, panneaux publicitaires), il se métamorphose en fonction des diktats des lieux. Chargés de sens sociologique et politique, les décors qui avalent les silhouettes renforcent l'impression d'une comédie humaine absurde. Les valeurs sont inversées : l'homme habituellement au premier plan occupe ici l'arrière-plan. Paradoxalement, Liu Bolin s’enferme dans l’image pour ne pas être prisonnier d’un système. Il se cache dans l’oppression pour ne pas y disparaître, ne pas y laisser sa peau. Au premier regard, la présence humaine n'est quasiment pas discernable. C'est une petite irrégularité dans les volumes qui attire l’œil, juste avant la compréhension. Piquée, la curiosité se met en branle et chaque photo devient alors un jeu : « trouver l'intrus ». Mais Liu Bolin dénie radicalement la part ludique de son travail. « Il n'y a aucun jeu là-dedans, mon travail est profond et sombre » revendique-t-il — un lien qu'il ne veut pas faire entre l'humour et le désespoir ?
Il pose la question du corps dans son environnement. Il soulève le problème de l’intégration dans un contexte environnemental donné. Où est humain dans ces environnements urbains ?
L'artiste n’est plus le créateur mais avant tout un support à la création artistique. L’artiste est l’auteur de l’idée de se rendre invisible mais ce sont les autres qui le rendent invisible.
Son art est engagé. Il vise à parler du corps politique justement parce qu’il a trait à l’esthétique, au régime du visible et de ce qui est vu. Il pose la question de l’humain dans un monde en mutation. Comment se découpent les corps dans les villes ? Quelles sont les répartitions et leur marge d’émancipation au regard d’une société ?
Parallèlement