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En 1757, peu soucieux de la guerre que la France et ses alliés autrichiens, russes, suédois et espagnols allaient livrer à Frédéric II, roi de Prusse, les Parisiens se préoccupaient plutôt d’un personnage étonnant, qui suscitait concurremment admiration et jalousie : le comte de Saint‑Germain.
La rumeur publique nous a laissé de lui un de ces portraits tel qu’on peut en trouver chez Voltaire ou chez Sade : d’allure leste et dégagée, il semblait dans la trentaine, la jambe bien tournée (appréciable avantage en ces temps de culottes et bas de soie), la chevelure noire et abondante remplaçant avantageusement la perruque. On le disait végétarien, chose tout à fait extraordinaire à l’époque, et on ne lui voyait boire que de l’eau, chose tout à fait surprenante dans son milieu. Il aurait parlé un grand nombre d’idiomes européens, mais aussi l’hébreu et le sanscrit; il chantait, jouait du violon et du clavecin. Admirable sans doute déjà, le portrait ne s’en tenait pas là. En effet, en plus, une aura de mystère voilait à la fois son identité réelle et son âge. Des témoins disaient l’avoir connu ailleurs sous d’autres noms : comte de Bellemare à Venise, chevalier Veldone à Milan, chevalier Schœning à Pise, comte Soltikof à Gênes, comte Tzagory à Schwalbach, marquis de Montferrat à Vienne… Mais surtout, d’autres témoins, comme cet octogénaire qui assurait l’avoir entendu jouer du violon soixante-dix ans plus tôt, prêtaient à la rumeur publique une incroyable et excitante pâture : le comte de Saint-Germain aurait disposé d’un élixir de longévité!
Sa conversation ne laissait pas entendre ces vantardises qui auraient permis d’épingler l’imposture; rapportant par exemple des anecdotes se déroulant des décennies voire des siècles plus tôt, il ne disait pas « j’ai vu » ou « j’ai dit », mais « je sais qu’on a vu » ou « on rapporte ».
Plus habile encore, lors d’une conversation sur les derniers Valois, alors qu’il évoquait Henri