Michel Tournier écrivait, dans son recueil de notes Le Vol du Vampire : « Un livre n’a pas un auteur mais un nombre indéfini d’auteurs. Car à celui qui l’a écrit s’ajoute de plein droit dans l’acte créateur l’ensemble de ceux qui l’ont lu, le lisent ou le liront. Un livre écrit, mais non lu, n’existe pas pleinement. » . L'auteur ne serait donc pas seul créateur de son œuvre, le lecteur jouerait également un rôle dans sa construction. En quoi le lecteur peut-il faire vivre une œuvre, et par conséquent faire ancrer l'existence de son auteur dans le monde quand bien même il ne le rencontrerait jamais ? Comment expliquer la relation psychique qui s'instaure entre un auteur et son lecteur lors de la lecture ?
Selon le psychiatre Carl Gustav Jung, il existerait une sphère commune et partagée dans l'inconscient humain qui sommeillerait au fond de chaque individu, l'inconscient collectif : « l’inconscient qui est l’ensemble de tous les archétypes, le dépôt de tout ce que l’humanité a vécu, en remontant à ses plus obscurs commencements, non pas un dépôt mort, sorte de champ de ruines abandonnées – mais un système de réactions et de disponibilités qui déterminent la vie individuelle par des voies invisibles et par suite, d’autant plus efficaces. » L'auteur et le lecteur, tout deux êtres humains, seraient liés par cette sphère enfouie au plus profond de leur imagination. De par ces représentations communes, le lecteur dispose d'une compréhension inconsciente de l'auteur qui lui permet d'entrer dans son intimité et d'en comprendre les fondements généraux. Ernest Fraenkel nomme ainsi des « archétypes ou images-forces propres », tels « le héros, la mère féconde, la bonne fée, la méchante sorcière, le roi, le prêtre, le mage, etc. » . Ces symboles communs, remontant les siècles depuis des millénaires et enfouis dans l'âme humaine orchestrent une « invasion » de l'âme collective dans l'âme individuelle. Ce sont sur ces fondements que l'auteur se base, inconsciemment ou non,