Texte 4 : le monologue final, acte 3 « je ne suis pas beau »p.245 jusqu’à la fin.
Bérenger est désormais seul sur scène : il est le dernier personnage à ne pas avoir subi la métamorphose. La pièce se clôt donc sur un monologue final de Bérenger, dans sa chambre, où il semble reclus, cerné par les rhinocéros. Ce monologue a commencé un peu plus haut dans la pièce, après le départ de Daisy ; Bérenger compare alors les tableaux représentant des hommes et les têtes de rhinocéros présentes au fond de la scène. Comment, par ce monologue, se dénoue la farce tragique qu'est Rhinocéros?
1. La solitude radicale et tragique de Bérenger
a) Un discours particulier : le monologue
Le recours au monologue est ici justifié par l'évolution du « drame » qui a conduit à la métamorphose progressive de tous les per¬sonnages. Bérenger est le dernier homme, il n'a plus d'interlocuteur. Un accessoire sur scène souligne cette situation : la glace ; Bérenger se parle de fait à lui-même (« il va vers la glace »l.3, « il contemple sa poitrine dans la glace »l.12).
Aucune marque du discours dialogué, fréquemment utilisé au sein même d'un monologue : il n'y a donc plus aucun destinataire même potentiel, même imaginaire, à la parole de Bérenger ; plus personne ne parle sa langue. Toute com¬munication est donc impossible et le passage radicalise cette faillite de la parole présente dans toute la pièce.
Disposition spécifique du discours théâtral qui confère au public une place particulière et problématique : est-il l'ultime destinataire de la parole de Bérenger (et de Ionesco), selon le jeu de la double énoncia¬tion, ou est-il inclus, par une sorte de manoeuvre provocante et déstabilisante du dramaturge, dans cet espace rhinocérique qui encercle Bérenger ? En effet, celui-ci n'est pas exactement seul sur scène : il est cerné par les rhinocéros, figurés par les têtes accro¬chées au mur et dont la présence est accen¬tuée par les barrissements. D'ailleurs, à la fin du monologue, Bérenger semble s'adresser à ces rhinocéros, dans une forme de défi final :