sourire
L’homme ne peut se passer de l’homme. Il habite le coeur de l’autre et l’autre habite son coeur. Cette capacité de s’accueillir réciproquement n’appartient qu’au genre humain. Elle se nourrit du regard et des gestes de l’autre. Des dispositifs complexes de réseaux neuronaux (neurones miroirs) permettent de simuler au sein du cerveau la commande motrice des figures expressives de l’autre et d’en comprendre le sens. Face à cet autre, le sujet se trouve devant son semblable, dont il partage la présence affective et effective. Le sourire est au coeur de ces dispositifs regroupés sous le terme d’empathie – qui signifie littéralement se projeter dans l’autre en éprouvant ce qu’il ressent (L’Einfühlung des phénoménologues).
Les sourires (il en existe de nombreuses variétés) sont, dit les poète, des floraisons de l’âme. Ils éclosent sur le visage du bébé quand celui-ci n’est encore qu’un foetus à la psyché rudimentaire qui ne perçoit les tumultes du monde qu’à travers les eaux dans lesquelles il baigne. Pendant quelques jours après la naissance, le sourire du bébé ne s’adresse à personne, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas déjà porteur de sens. Le sujet connait son propre sourire de l’intérieur grâce à une représentation innée de l’acte qui traduit le bien être de son corps. Il faut deux à trois semaines pour que le sourire émanant de son corps coïncide avec celui de l’autre (d’abord la mère), puis les autres selon un choix sélectif (car le bébé à ses têtes !). Voix silencieuse de l’émoi, le sourire flotte sur le visage comme un reflet venu des profondeurs à la surface d’un lac. Parmi ses formes changeantes, un sourire en particulier paraît plus vrai, plus immuable que les autres, car il est ancré dans l’intériorité du sujet, à la différence d’autres sourires d’origine sociale, souvent menteurs et aléatoires, dont le caractère forcé efface la vraisemblance. Ce sourire a été appelé par Ekman « sourire de Duchenne », en hommage au