Saha
Ce soir de Juin, gorgé de lumière, tardait à pencher du côté de la nuit. Des verres vides, sur un guéridon* de paille, retenaient les gros bourdons roux, mais sous les arbres, sauf sous les pins, s’élargissait une zone d’humidité impalpable, une promesse de fraîcheur. Ni les géraniums qui prodiguaient* leur méridional parfum, ni les pavots de feu ne souffraient du rude été commençant. « Pas ici, pas ici… », martelait Alain au rythme de son pas. Il cherchait Saha et ne voulait pas l’appeler à pleine voix…
… Il se souvenait du jour où, au sortir d’une exposition féline, il avait posé sur le gazon de Neuilly une petite chatte de cinq mois, achetée à cause de sa figure parfaite, à cause de sa précoce* dignité*, de sa modestie sans espoir derrière les barreaux d’une cage…
… Enfin, il la rencontra couchée sur le petit mur bas. Elle dormait ou paraissait dormir, roulée en turban. « En turban? A cette heure et par ce temps? C’est une posture d’hiver, le sommeil en turban… »
-Saha chérie!
Elle ne répondit pas quand il la prit et l’éleva en l’air, et elle ouvrait des yeux caves*, très beaux, presque indifférents.
-Mon Dieu, que tu es légère! Mais tu es malade, mon petit puma!
Il l’emporta, rejoignit en courant sa mère et Camille.
-Mais maman, Saha est malade! Elle a mauvais poil, elle ne pèse rien, et vous ne me le dites pas!
-C’est qu’elle ne mange guère, dit Madame Amparat*. Elle ne veut pas manger.
-Elle ne mange pas, et quoi encore?
Il berçait la chatte contre sa poitrine et Saha s’abandonnait, le souffle court, les narines sèches, les oreilles brûlantes.
-Elle s’ennuie de toi, dit Camille. C’est ta chatte, n’est-ce pas?
Il ne réfléchit qu’un instant.
-Bon. Je l’emmène. Maman, faites-moi donner son panier, voulez-vous? Et un sac de sable. Pour le reste, nous avons tout ce qu’il faut.
Ils partirent en cortège, Alain portant Saha muette dans son panier de voyage. Le vieil Emile* pliait sous le sac plein de sable, et