Peut on se juger soi meme
Qu’est-ce que ce “moi” qui se traîne au banc des accusés ? Un ego qui doute de lui-même, qui se remet en question, qui demande l’avis d’un juge -mais veut comme juge celui-là même dont il doute !? Et qu’est-ce que ce juge, qui a l’inconstance de l’accusé ? Une humiliation de l’ego, et me voilà qui me dévalue. Une récompense, et me voilà qui me surestime ! Par quel moyen saurai-je parvenir à un jugement qui ne soit plus capricieux, pour me considérer tel que je suis ? Que suis-je ? pas n’importe qui, mais ce je ne sais quoi qui fait dire à quelques uns je te reconnais bien là... objectivement ?
Objectivement ! ? Voilà le nœud du problème, qui fit l’enjeu du débat : quand je me considère, je suis à la fois sujet et objet. Il faudrait que le “moi” qui juge ne soit pas le “moi” jugé. Et ça tombe bien, ces “moi” sont distincts. Le “moi” est tout sauf simple, il est composé de nombreuses “parties de moi” dissemblables voire opposées : je suis le travailleur, le oisif, le conservateur et le révolutionnaire, le casanier et le nomade... Je peux bien être juge et partie, parce que j’ai plusieurs parties : quand je juge une action accomplie hier, le moi d’aujourd’hui considère le moi d’hier. Cela est possible tant que “je” est un autre.
On se juge pour parfaire sa conduite. À mesure que je me fréquente et me juge, je me corrige. Connaître ses erreurs, savoir lesquelles on a répété afin de les éviter à l’avenir, permet d’agir de mieux en mieux.