Pensées de Madame Bovary : Devoir de seconde.
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Fatiguée. Je suis fatiguée. Exténuée même. Et pourtant, je n'aurais jamais crû que cette journée aurait été aussi épuisante et si rude que celles de mon quotidien. Je pense que ce serait plutôt raisonnable d'enfin prendre ce repos que j'attendais depuis déjà si longtemps. Mes maîtres sont vraiment généreux et attentionnés de laisser une pauvre femme comme moi, rouillée tels ses doigts noueux, accablée de fatigue par son travail, bossue et ratatinée à force de se baisser, prendre un court instant de pause, qui leur est, probablement, d'aucune valeur et insignifiante. Ne seraient-ils donc, en fin de compte, pas aussi cruels, malveillants, sournois et sadiques que j'ai pu le prétendre depuis déjà cinquante-quatre ans? Est-ce donc le fruit de mon dur labeur? Cette fameuse médaille d'argent serait-elle un signe? Une récompense de Dieu, pour toute la souffrance que j'ai dû supporter, durant toutes ces années? Ou était-ce encore une épreuve? Marcher. Marcher jusqu'à ce que ça n'en finisse plus. Marcher sous le regard amusé de ces bourgeois, gros et dégoûtants, qui poussent sans regarder autour d'eux, mais qui, en même temps, sourient avec leurs dents sans éclat. Répugnants. Oui c'est le mot qui les qualifient le mieux. Répugnants. J'avais cette désagréable sensation de paraître à leurs gros yeux, gros tels leur désir de richesse, comme une bête de foire, prête à se faire maltraiter sans relâche, simplement pour satisfaire leur sadique plaisir. Pendant un long moment, autour du bruit assourdissant de ces tambours, ces cris, j'étais comme un esclave qu'on lâche dans l'arène, encerclé par ces lions impatients de se rassasier. Que faisais-je donc dans cette étable remplie d'animaux ingrats, démunis de toute sympathie envers les personnes dont le statut est, d'après eux, inférieur à le leur, tellement leur propre image les aveuglent? Pourquoi suis-je donc restée? Pourquoi ne suis-je donc pas partie? Pourquoi suis-je venue même? Pourquoi cette journée n'était-elle pas comme