Peine de mort
Voila maintenant plus de vingt ans que mon père a été séparé de moi... Mon père, cet homme que vous avez condamné à mort pour un acte qui, selon vous, aurait valu une telle peine.
Je n'avais que trois ans lorsqu'il fût exécuté, ma mère, elle, était morte peu après m'avoir mise au monde.
J'ai été recueillie par de braves gens qui m'ont donné tout l'amour qu'ils pouvaient, mais cela ne suffisait point à combler l'absence d'une mère et d'un père.
Il y a peu, mes parents de substitution m'ont fait lire le journal intime de mon père ; ce fût un choc pour moi, et c'est la raison pour laquelle je vous écris cette lettre... Vivre, même par écrit interposé, les dernières heures d'un homme que je ne me souviens plus avoir eu le temps d'appeler "Papa", quelle expérience !
Vous souvenez-vous de votre enfance, Monsieur Le Président ? Vous souvenez-vous d'avoir sauté sur les genoux de votre père peut-être ?
Pas moi.
Vous m'avez ôté ce simple bonheur. Au nom de votre certitude, : celle qu'il fallait débarrasser la société d'un coupable et pour cela, l'envoyer à l'échafaud. Mais dites-moi, Monsieur le Président, avez-vous, un seul instant, envisagé la possibilité d'avoir condamner un innocent ?
En condamnant mon père à mort, vous n'avez pas fait qu'une victime : j'en suis devenue une, moi aussi.
Les condamnés ont parfois une famille, pensez-vous à elles lorsque vous prononcez votre sentence ? Comment vous imaginez-vous qu'elles subviennent à leur besoin ?
Que croyez-vous qu'elles deviennent "après" ?
Et quand cette famille est une petite fille de trois ans que vous laissez ainsi seule au monde... une pensée sur son sort vous effleure t'elle lorsque vous signez le verdict ?
Vous prétendez "édifier le peuple" en lui livrant en pâture le supplice d'un soi-disant coupable, mais ce n'est qu'un spectacle ! Un spectacle décadent dont les spectateurs se repaissent comme ceux qui assistaient jadis aux sacrifices des premiers Chrétiens jetés aux