Drogue dure.

« Pas beaucoup » me dit-il, avec son sourire qui paraît sincère, et c'est encore une fois que j’acquiesce sans rien dire.

« Pas beaucoup »

Et j'ai presque envie de rire, parce que je sais au fond de moi que c'est faux et que ça ne marche pas comme ça. Parce qu'on ne peut pas dire ça et revenir quelques heures après en ayant les yeux qui lui disent adieu. Non, on ne peut pas.

Mais « on » ce n'est pas « lui ». Et lui, il peut. Toujours.

« Pas beaucoup » me dit-il encore avec ses yeux plus noirs que bleus, en m'embrassant.
« Pas beaucoup »

Et je le hais, parce que ça fait mal de le voir dans un autre monde où je ne suis plus là, et parce qu'à force ça devient douloureux de le regarder ou encore de l'imaginer. Parfois je me dis qu'il finira par en mourir. Et ça recommence. Encore et encore.

Et on s'en veux parce qu'on ne peut plus rien contre tout ça, que maintenant ça s'aggrave, que l'irréel est plus présent dans ses pensées que le réel.

« Pas beaucoup » me dit-il moins calme que les autres fois. Et j'ai peur. Alors je ne dis rien parce qu'on ne sait pas ce qu'il peut se passer. Je me repasse en boucle les images quand il me dit que tout ira bien. Assez de fois pour arriver à me persuader qu'il fera attention ; mais trop pour arriver à me souvenir que ce n'est pas la première fois et que ça augmente.

Je me lève difficilement, mes yeux encore gonflés par les larmes qui ont coulées la veille. Mais je reste plongée dans le noir, avec comme seul réconfort ces images illusoires qui passent et repassent dans ma tête.

« Pas beaucoup ». « Pas beaucoup ».
Encore et encore.« Pas beaucoup » me dit-il énervé, comme si c'était sincère. Il me le dit en me serrant le bras, fort, trop fort. Et il crie un peu. « Pas beaucoup ». J'étouffe mais j'ai bien trop peur pour lui demander d'arrêter. Puis il revient en s'excusant avec ses yeux qui ne me regardent pas vraiment. Ses mains me serrent plus fort, ses lèvres m'embrassent plus violemment.