Ondine
Lorsque j’étais aux champs n’a-t-il point fait de pluie ? | AGNÈS | | Non. | ARNOLPHE | | Vous ennuyait-il ? | AGNÈS | | Jamais je ne m’ennuie. | ARNOLPHE | 465 | Qu’avez-vous fait encor ces neuf ou dix jours-ci ? | AGNÈS | | Six chemises, je pense, et six coiffes aussi. | ARNOLPHE, ayant un peu rêvé. | | Le monde, chère Agnès, est une étrange chose.
Voyez la médisance, et comme chacun cause.
Quelques voisins m’ont dit qu’un jeune homme inconnu : | 470 | Était en mon absence à la maison venu ;
Que vous aviez souffert sa vue et ses harangues.
Mais je n’ai point pris foi sur ces méchantes langues ;
Et j’ai voulu gager que c’était faussement... | AGNÈS | | Mon Dieu, ne gagez pas, vous perdriez vraiment. | ARNOLPHE | | Quoi ! c’est la vérité qu’un homme... | AGNÈS | 475 | Chose sûre. | | Il n’a presque bougé de chez nous, je vous jure. | ARNOLPHE, à part. | | Cet aveu qu’elle fait avec sincérité,
Me marque pour le moins son ingénuité.
Mais il me semble, Agnès, si ma mémoire est bonne, | 480 | Que j’avais défendu que vous vissiez personne. | AGNÈS | | Oui : mais quand je l’ai vu, vous ignorez pourquoi [9] ,
Et vous en auriez fait, sans doute, autant que moi. | ARNOLPHE | | Peut-être : mais enfin, contez-moi cette histoire. | AGNÈS | | Elle est fort étonnante et difficile à croire. | 485 | J’étais sur le balcon à travailler au frais :
Lorsque je vis passer sous les arbres d’auprès
Un jeune homme bien fait, qui rencontrant ma vue,
D’une humble révérence aussitôt me salue.
Moi, pour