Ambroisie

Et la nuit avait déposé sur la ville toute son aura, sa lueur gris-argenté. Au travers des fenêtres filtraient les clameurs des étoiles, étouffées par les murs, étranglées par la vie. La chair secouée par les tremblements de l’attente, assise à mon bureau je regardais l’ange. Nannerl, vaporeuse, à demi endormie. « Qu’es-tu sinon l’oubli? », les questions restées sans réponse. Son souffle emplissait mon air, son odeur puissante mes poumons. Les mains crispées à en entailler la chair des ongles, je fermais les yeux et redessinait son visage. Je redessinais ses traits, mon seul paysage. Et ce bonheur absolu à savoir qu’en les rouvrant, elle se tiendrait là.

L’amour est comme l’argent - Pas d’odeur, mais au moins il a son nom. Il s’abat sans préavis, sans questions, sans répit, et insouciant. Il s’abat et il prend la place - Il n’a pas de gêne, il n’a pas de mesure. Nannerl l’opale, Nannerl aux desseins d’or, comme deux mains à serrer mon cou. La bouche grande ouverte je cherche de l’air, et je meurs, je meurs, mais au moins je meurs de passion. Elle a gravé son nom dans le plâtre de ma chair. Elle a réchauffé mon cœur, c’est maintenant un incendie. Pyromane de mes entrailles, celles qui bondissent quand elle m’oublie. Asphyxie, anesthésie, ce sourire qui n’en finit plus. Ce sourire qui n’en finit plus.
Saphique jusqu’au bout des ongles, je l’effleure. Je me dresse comme se dressent les tigres enragés - Je déploie ma gorge, l’offre, la livre sans pudeur. Les regards charmants, les baumes divins - Les mots enfin prennent leur sens et je trouve une muse. Entre ses bras s’entremêlent Baudelaire, Rimbaud, et cette femme-là qui dans des temps reculés en aima d’autres. Son sein dans ma paume a la courbe des mots, son œil brille comme brilla l’œil du poète. De mes doigts je dessine des ailes et de ces ailes je lui fais des fourreaux, priant au fond de mon âme pour qu’elle puisse dans mes plumes voler encore. Et quand ses yeux interrogent les miens, quand je