Odette toulemonde
Lorsqu’il se cala au fond de la voiture qui le ramenait en compagnie de son éditeur à Paris, Balthazar fut tenté un instant de lire le message, cependant, lorsqu’il vit le papier kitsch où s’entrelaçaient guirlandes de roses et branches de lilas retenues par des anges fessus, il ne l’ouvrit pas. Décidément, Olaf Pims avait raison : écrivain pour les caissières et les coiffeuses, il n’avait que les fans qu’il méritait ! En soupirant, il glissa néanmoins la lettre à l’intérieur de son manteau en chamois.
A Paris l’attendait une descente en enfer. Non seulement son épouse, fuyante, absorbée par son travail d’avocate, ne marqua aucune compassion pour ce qui lui arrivait mais il constata que son fils de dix ans était obligé de se battre au lycée contre les petits péteux qui se moquaient de son père. Il recevait peu de messages de sympathie, jamais du milieu littéraire – peut-être était-ce de sa faute, il ne le fréquentait pas. Enfermé dans son immense appartement de l’île Saint-Louis, devant un téléphone qui ne sonnait pas – c’était de sa faute aussi, il ne donnait pas son numéro –, il considéra objectivement son existence et soupçonna l’avoir ratée.
Certes, Isabelle, son épouse, était belle mais froide, cassante, ambitieuse, riche de manière héréditaire, beaucoup plus habituée à évoluer dans un monde de prédateurs que lui – ne s’étaient-ils pas autorisés à avoir des liaisons extraconjugales, indice que le ciment social tenait davantage leur couple que le lien amoureux ? Certes, il possédait un logement au cœur de la capitale qui faisait des envieux mais l’aimait-il vraiment ? Rien sur les murs, sur les fenêtres, sur les étagères, sur les canapés, n’avait été choisi par lui : un décorateur s’en était chargé ; au salon, trônait un piano à queue dont personne ne jouait, dérisoire signe de standing ; son bureau avait été conçu pour paraître dans les magazines car Balthazar préférait écrire au café. Il réalisait qu’il