Je devais par la royauté Avoir commencé mon ouvrage : À la voir d'un certain côté, Messer Gaster en est l'image.S'il a quelque besoin, tout le corps s'en ressent.De travailler pour lui les Membres se lassant,Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme,Sans rien faire, alléguant l'exemple de Gaster.Il faudrait, disaient-ils, sans nous, qu'il vécût d'air.Nous suons, nous peinons, comme bêtes de somme ;Et pour qui ? Pour lui seul, nous n'en profitons pas ;Notre soin n'aboutit qu'à fournir ses repas.Chommons, c'est un métier qu'il veut nous faire apprendre.Ainsi dit, ainsi fait. Les Mains cessent de prendre, Les Bras d'agir, les Jambes de marcher.Tous dirent à Gaster qu'il en allât chercher.Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent.Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur ;Il ne se forma plus de nouveau sang au coeur :Chaque Membre en souffrit : les forces se perdirent ; Par ce moyen, les Mutins virentQue celui qu'ils croyaient oisif et paresseux,A l'intérêt commun contribuait plus qu'eux.Ceci peut s'appliquer à la grandeur royale :Elle reçoit et donne, et la chose est égale.Tout travaille pour elle, et réciproquement Tout tire d'elle l'aliment.Elle fait subsister l'Artisan de ses peines,Enrichit le Marchand, gage le Magistrat,Maintient le Laboureur, donne paye au Soldat,Distribue en cent lieues ses grâces souveraines ; Entretient seule tout l'Etat. Ménénius le sut bien dire.La Commune s'allait séparer du Sénat :Les mécontents disaient qu'il avait tout l'empire,Le pouvoir, les trésors, l'honneur, la dignité ;Au lieu que tout le mal était de leur côté,Les tributs, les impôts, les fatigues de guerre.Le peuple hors des murs était déjà posté.La plupart s'en allaient chercher une autre terre, Quand Ménénius leur fit voir Qu'ils étaient aux Membres semblables,Et par cet apologue, insigne entre les fables, Les ramena dans leur