Les inégalités sont elles un facteur de croissance économique
Le débat sur les inégalités a une dimension idéologique évidente. Il oppose les partisans de l'« ordre naturel » et de l'efficacité suprême du marché, comme l'économiste américain Friedrich Hayek, à ceux qui considèrent, comme le philosophe John Rawls, que l'exigence de justice sociale suppose une action volontariste de la puissance publique.
1. La condition de l'efficacité économique
Le courant de pensée néolibéral considère, en effet, le principe de l'égalitarisme comme étant contre-productif sur le plan économique et illégitime au plan philosophique. Ainsi, F. Hayek, dans son livre Le Mirage de la justice sociale, défend l'efficacité du marché, non seulement pour assurer la prospérité économique, mais également pour concilier les valeurs de liberté et de justice. L'inégalité est, selon cette perspective, un aiguillon à l'initiative et à l'innovation. L'économiste Joseph Schumpeter le rejoint sur ce point. La réussite sociale concrétise la sanction du marché et toute tentative pour réduire les inégalités détraque la machine économique. Par ailleurs, elle déresponsabilise les agents économiques en les incitant à l'oisiveté et au moindre effort. Certains voient même dans ces mesures de soutien aux défavorisés l'origine des « trappes à inactivité », les personnes bénéficiant d'une aide étant « désincitées », à sortir de leur situation. Ces mesures sont donc, pour ce courant de pensée, à la fois inefficaces au niveau individuel et appauvrissantes au niveau collectif. Face à cette vision « libertarienne » de l'inégalité, d'autres courants de pensée mettent en avant les concepts d'inégalités justes et d'équité.
2. Des inégalités justes
John Rawls, philosophe américain du xxe siècle, a pris le contre-pied des thèses néolibérales : selon lui, on peut accepter, sous des conditions strictes, l'idée que certaines inégalités sont justes. Ces inégalités ne peuvent concerner, dit-il, que des « fonctions et positions