Le repas comme institution
La thèse de la modernité alimentaire a été l’objet au sein de la sociologie et de l’anthropologie de l’alimentation d’un vif débat. Il a d’abord porté sur l’objectivation du phénomène. Pour les uns, suivant une tendance déjà à l’œuvre dans la société NordAméricaine, les pratiques alimentaires des Français se transformaient et certains ont tenté de poser clairement les dimensions de ces mutations : fractionnement de la prise alimentaire, montée du grignotage et déritualisation des repas, désynchronisation sociale. Pour d’autres, la déstructuration de l’alimentation des Français relèverait de la rumeur plus ou moins orchestrée par quelques groupes de pressions industriels cherchant à légitimer la mise sur le marché de produits alimentaires de grignotage. « Déstructuration des repas », « vagabondage alimentaire », « montée du grignotage »... autant d’expressions qui rendent compte des mutations de l’alimentation quotidienne des Français. Des recherches américaines 1 déjà anciennes, des études françaises 2 réalisées par des cabinets de marketing relayées par certains sociologues labellisés, en « attestent » ; la modernité alimentaire des Français se lit sur le mode de la déstructuration, certains vulgarisateurs n’hésitant pas à parler de « système dé » : dé-structuration, dé-socialisation, dés-institutionlisation, dés-implantation horaire, dé-ritualisation... Le débat sur la déstructuration Dès 1979, Claude Fischler s’appuyant sur les « dits travaux américains » écrivait : « Le repas composé et commensal est pratiquement en voie de disparition aux Etats Unis. Dans les familles de couche moyenne citadines, il arrive que l’on ne se trouve réunis autour de la table du dîner familial que deux ou trois fois par semaine et le repas ne dure guère alors plus de vingt minutes... Le « nombre de prises alimentaires (food contacts) dans la journée est d’une