Regrettera qui veut le bon vieux temps. Et l'âge d'or et le règne d'Astrée, Et les beaux jours de Saturne et de Rhée, Et le jardin de nos premiers parents; Moi, je rends grâce à la Nature sage, Qui, pour mon bien m'a fait naître en cet âge Tant décrié par nos pauvres docteurs: Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs. J'aime le luxe, et même la mollesse, Tous les plaisirs, les arts de toute espèce La propreté, le goût, les ornements: Tout honnête homme a de tels sentiments. Il est bien doux pour mon cœur très immonde De voir ici l'abondance à la ronde, Mère des arts et des heureux travaux, Nous apporter de sa source féconde, Et des besoins et des plaisirs nouveaux. L'or de la terre et les trésors de l'onde, Leurs habitants et les peuples de l'air, Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde. Ah! le bon temps que ce siècle de fer! Le superflu, chose très nécessaire, A réuni l'un et l'autre hémisphère. Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux Qui de Texel, de Londres, de Bordeaux, S'en vont chercher, par un heureux échange, De nouveaux biens, nés aux sources de Gange, Tandis qu'au loin, vainqueurs des musulmans, Nos vins de France enivrent les sultans? Quand la nature était dans son enfance, Nos bons aïeux vivaient dans l'innocence, Ne connaissant ni le tien ni le mien. Qu'auraient-ils pu connaître? Ils n'avaient rien, Ils étaient nus; et c'est chose très claire Que qui n'a rien n'a nul partage à faire. Sobres étaient. Ah! je le crois encor; Martialo n'est point du siècle d'or. D'un bon vin frais ou la mousse ou la sève Ne gratta point le triste gosier d'Eve. La soie et l'or ne brillaient point chez eux : Admirez-vous pour cela nos aïeux? Il leur manquait l'industrie et l'aisance : Est-ce vertu? C'était pure ignorance...