Le mal : casier
La rencontre du mal avec la pensée humaine remonte bien avant la philosophie. Les philosophes prenaient le relais d’une pensée archaïque elle-même née en réaction au scandale du mal. A ce scandale, cette « pensée par symboles » (i. e. : la pensée archaïque) répondait par des mythes et des récits religieux.
La naissance de la philosophie marque une mise au second plan de la pensée par symboles (pensée archaïque), au profit de la pensée par concepts. La philosophie grecque se préoccupe, initialement, de l’ordre du monde, mais c’est pour mieux en déduire une règle d’action humaine susceptible de minimiser la part de mal : les premières cosmogonies se prolongent en une éthique. Or raisonner et discourir est autre chose que raconter des mythes. Et c’est là que commencent les problèmes. Car l’exigence d’intelligibilité sans reste qui définit la philosophie va buter sur le problème du mal.
On pourrait en effet dire avec Pierre Bayle que le mal est « ce qui met la philosophie à bout ». Mais reconnaissons que c’est aussi le mal qui met la philosophie debout... Le mal est tout de même « la plus considérable provocation à penser » (Paul Ricœur, Philosophie et volonté, Paris, Aubier, 1960, t. II, p. 314). Le même auteur admet toutefois que le mal est aussi « l’invitation la plus sournoise à déraisonner ». ..
Ces formules frappantes[1] synthétisent un peu sèchement deux millénaires d’histoire de la pensée. Evitons les simplifications abusives. ll ne faut peut-être pas exiger de la philosophie l’élucidation définitive de l’énigme de la souffrance. Son impuissance sur ce point ne doit pas disqualifier ses tentatives pour nous aider à limiter la portée du mal dans les existences humaines. C’est là l’objet de la philosophie morale. Pour cette dernière, la réflexion rationnelle sur le mal conserve toute sa validité. Entamons cette réflexion en essayant de criconscrire son objet d’étude.
II. Figures et espèces du mal
On peut cependant proposer quelques