Le langage
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■ Dans le Cratyle, Platon pose la question qui peut préoccuper chaque locuteur : existe-t-il une ressemblance entre les mots et les choses? L’affirmer, comme le fait Cratyle, c’est en un sens garantir que la langue coïncide avec le monde et en constitue une première connaissance. Le nier, comme Hermogène, c’est admettre – à la façon de la linguistique – que le signe linguistique est arbitraire, qu’il n’est lié par aucune analogie à ce qu’il désigne. La diversité des langues le confirme : le quadrupède que je nomme "chien" est dit, ailleurs, "dog".
■ Le langage instaure un univers symbolique qui évoque le monde en son absence, mais ne lui ressemble pas. Cette distance me permet de parler sans être déterminé par la situation actuelle (Descartes le soulignait), et de mentir (grâce à la fonction que la linguistique qualifie d’"appellative", à laquelle recourt l’acteur, ou le poète tel que le comprend Valéry).
■ Réfléchissant sur la formation progressive des langues, Rousseau constate que les vocabulaires initiaux devaient être plus importants que les nôtres : incapable de faire abstraction des qualités sensibles caractérisant, pour la perception, chaque objet, l’esprit ne pouvait mettre au point que des noms propres ; ce n’est que peu à peu que la raison élabore des concepts généraux, qui négligent les apparence immédiates et suscitent des noms communs. Une fois ce travail effectué, ma relation au monde, les objets que j’y peux repérer, dépendent de la richesse de mon vocabulaire : le langage instaure un découpage initial de ce qui m’environne. C’est pourquoi les vocabulaires scientifiques croissent en fonction des découvertes. Tout phénomène nouveau suscite un nouveau mot (pour classer les espèces vivantes, il faut aujourd’hui plusieurs millions de termes).
Langage et pouvoir :
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■ En distinguant la langue (institution) et la parole (performance individuelle), on met en