La nature
Jean-Marie Schaeffer a fait paraître, en 2007, un livre très profondément révolutionnaire, intitulé La fin de l’exception humaine [1]. Grossièrement résumée, la thèse de Schaeffer pourrait être ainsi énoncée : il n’est plus possible aujourd’hui de maintenir l’idée qu’il existe une spécificité non naturelle de l’homme. En d’autres termes, Schaeffer défend une position naturaliste, mais nuancée d’un refus du réductionnisme, qui constitue une tension permanente tout au long de l’ouvrage, et qui fait appel à des subtilités que ne semblent pas toujours avoir vues ses interlocuteurs. Quoi qu’il en soit de la réception de cet ouvrage, le livre décrit avec bonheur la raison pour laquelle les sciences contemporaines ne permettent plus de penser que l’homme constitue cela même qui se définirait comme un surcroît au vivant, sous le seul prétexte que la vie sociale, culturelle et politique témoigneraient de cette capacité d’arrachement à son inscription naturelle. Pour ce faire, Schaeffer propose de reconstruire le présupposé sur lequel repose cette idée d’une humanité définie comme surcroît par rapport à son inscription naturelle, cette idée selon laquelle l’homme serait doté d’une propriété émergente ontologique « en vertu de laquelle il transcenderait à la fois la réalité des autres formes de vie et sa propre « naturalité ». Cette conviction, je propose de l’appeler la thèse de l’exception humaine (autrement appelée désormais la Thèse). » [2]
I°) Sens et intention de la démarche de Schaeffer
Une bonne partie de l’ouvrage va consister à reconstruire cette fameuse Thèse, qui ne correspond pas à la pensée d’un auteur en particulier bien que, nous le verrons, Descartes constitue probablement quelque chose comme le paradigme de cette Thèse, mais qui désigne le présupposé métaphysique fondant l’idée d’une exception humaine et que partageraient un très grand nombre de