La femme de Dieu
Si Dieu existe, il est bien évident qu’il n’est pas sexué. On peut donc se demander pourquoi la plupart des grandes religions s’en sont faites une représentation exclusivement masculine. Comme le rappelle le dossier de ce numéro, il n’en a pas toujours été ainsi. Le culte de la Grande Déesse a précédé celui de « Yahvé, seigneur des armées », et les déesses occupaient une place de choix dans les panthéons des premières civilisations. La masculinisation du clergé est sans doute l’une des principales raisons de ce renversement, qui s’opéra au cours des trois millénaires qui précèdent notre ère : comment une cité et une religion gouvernées par des hommes pouvaient-elles vénérer une divinité suprême du sexe opposé ?
Avec le développement des sociétés patriarcales, la cause est donc entendue : le dieu suprême, ou le dieu unique, ne peut plus être conçu comme féminin. Non seulement dans sa représentation, mais aussi dans son caractère et sa fonction : on valorise ses attributs de puissance, de domination, de pouvoir. Au ciel comme sur la terre, le monde est gouverné par un mâle dominateur.
Même si le caractère féminin du divin va subsister au sein des religions à travers divers courants mystiques ou ésotériques, ce n’est finalement qu’à l’époque moderne que cette hypermasculinisation de Dieu est véritablement remise en cause. Non qu’on passerait d’une représentation masculine à une représentation féminine du divin. Nous assistons plutôt à un rééquilibrage. Dieu n’est plus essentiellement perçu comme un juge redoutable, mais surtout comme bon et