Gallimard Jeunesse a eu une bonne idée de reprendre cette pièce dans sa collection Scripto, même si l’écart de prix avec le même texte en collection Folio (3,5 €) ne se justifie ni par un paratexte (le texte est présenté aussi vierge que l’héroïne) ni par la rigueur du travail éditorial : la première coquille saute aux yeux au milieu de la page 5 (« le pénomène Jeanne »), puis on trouve « se tapant sur la Suisse » (p. 43), ou « huit cents soldais » (p. 61) ! À part ces détails, j’avoue avoir découvert un texte passionnant. Les connotations catho et la récupération politique récurrente de Jeanne par l’extrême droite m’avaient à tort jusque-là détourné de L’Alouette. Or on a là un texte vivant, drôle, plus politique que religieux, avec toute une panoplie de personnages qui représentent autant d’idiosyncrasies. Au plan théâtral, j’ai jamais vu la pièce, mais on ne doit pas s’y ennuyer. L’Alouette reprend et radicalise le principe de rupture de l’illusion théâtrale déjà présent dans Antigone : on retrouve la mère de Jeanne qui « se met à tricoter dans un coin », comme Eurydice, mère d’Antigone. Anouilh va plus loin, puisque les personnages arrivent quand on les nomme, parfois à contretemps, par exemple Beaudricourt, créant des effets comiques à tous les sens du terme. Les entorses à l’unité de ton ont du sens, puisqu’elles permettent de réfléchir sur le mécanisme de l’Histoire, qui transforme une « petite sorcière crasseuse » en « dure vierge guerrière » (p. 12). On trouve quelques anachronismes et clins d’yeux, comme « Un bon service de renseignements doit toujours tout prévoir » (p. 37), ou la sortie prophétique, cynique et monarchiste de Charles : « On essaiera tout. Des hommes du peuple deviendront les maîtres des royaumes, pour quelques siècles […] et ce sera le temps des massacres et des plus monstrueuses erreurs » (p. 76). Au point de vue altersexuel, on se régale. Non seulement Jeanne est la première transgenre FtM (« Female to male »), mais Anouilh se livre à