Ce récit, intitulé "Lambeaux", Charles Juliet a mis douze ans à l’écrire. Il est fait de deux parties bien distinctes et pourtant indissociables, liées par l’emploi insolite du seul pronom personnel de la deuxième personne du singulier "tu". Il y a d’abord une pseudo biographie, celle de la mère dont il a été séparé à trois mois : abusivement internée pendant huit ans dans un hôpital psychiatrique, elle y est morte à trente huit ans - de faim… c’était la guerre ! Vient ensuite une sorte d’autobiographie. L’auteur livre les moments essentiels de son existence : l’enfance dans la famille de paysans pauvres qui l’a recueilli ; à l’âge de sept ans, l’annonce de la mort de sa mère biologique dont il ignorait jusqu’à l’existence ; l’internat à l’école des Enfants de Troupe d’Aix-en-Provence où, malgré les brimades et les humiliations, il trouve l’amitié, l’amour, et où il peut combler son désir d’apprendre et découvrir la littérature. Il intègre ensuite l’Ecole de Santé Militaire de Lyon mais la quitte pour se consacrer entièrement à ce qui pourrait peut-être donner sens à sa vie : l’écriture.
Il lui faut avoir les mots pour se dire, se trouver, se recréer. Il sera le narrateur de sa propre démarche introspective – d’où l’emploi du pronom personnel de la deuxième personne "tu". Il écrit des pages poignantes dans une langue tenue, précise, sans pathos, mais vibrante, haletante pour dire ce long cheminement intérieur, cette patiente, exigeante, douloureuse exploration de soi qui le mènera au bord de la folie, au bord du suicide.
Cette quête d’identité passe nécessairement par un retour aux origines, une interrogation sur l’héritage génétique, culturel. Il lui faut revenir à l’enfance et surtout se confronter à l’image de cette mère qui lui a donné la vie et dont il se sent coupable de la mort, mais aussi rendre hommage à celle qui l’a rendu à la vie, celle qui a accueilli ce bébé en état de choc, "fendu en deux", qui l’a choyé, accompagné, lui a donné l’essentiel,