Cléobis et biton
Les auteurs Mimnerme et Tyrtée y font sans cesse allusion et une nouvelle fois, cette conviction est mise à l’honneur dans ce récit de Solon ; il s’agit bien du καλὸς κἀγαθός, si cher aux Grecs. Cet idiome traduisait l’idéal grec : avoir un corps d’athlète tout en étant cultivé et vertueux.
Cléobis et Biton l’illustrent parfaitement, tant sur le plan moral que physique. Effectivement, d’une part ils sont pieux envers leur mère et envers les dieux et ne sont pas orgueilleux ; d’autre part, ils ont une condition physique et une vigueur corporelle remarquables. Il s’agit d’êtres tout à fait équilibrés, pourvus d’une âme aussi bonne que le corps qui la contient au cœur d’une jeunesse juste et idéale. C’est pourquoi, selon Solon et l’ensemble des Grecs, mieux vaut quitter la Terre prématurément, dans la fleur de l’âge, afin de ne pas connaître la tourmente des malheurs de la vieillesse. Il vente la destinée des deux jumeaux qui n’auront connu que les bonheurs de la vie insouciante.
Certes, avoir à cette époque un âge avancé n’était certainement pas ce qu’il y avait de plus facile, de plus agréable, surtout pour celui qui aime sa patrie et qui se sent devenir inutile et impuissant. Celui qui meurt tôt vit en quelques sortes un résumé d’existence dépourvu de peines morales et physiques, un condensé de ce qui vaut la peine d’être vécu. Et ce, sans être sujet aux problèmes de santé et autres ennuis d’une personne âgée. De plus, rejoindre l’Hadès jeune permet de laisser dans son entourage une image de soi plus glorieuse que celle d’un vieillard. Les gens retiendront ce que nous étions de meilleur, nos derniers actes de bravoure, notre plus belle apparence, notre mémoire la plus fraîche… L’homme n’a ainsi pas le temps de souffrir de ce mal tenace qui arrive avec les années : la nostalgie. De quoi serait-il nostalgique ?! Il n’a connu que ce qu’il y avait de meilleur à vivre et n’est plus là pour regretter ces belles années.