BLAISE CENDRARS PROSE DU TRANSSIBERIEN
A) Un poème autobiographique
- L’énonciation à la première personne associée aux temps du récit transforme cette évocation du séjour à Moscou du poète en une légende personnelle, soulignée par la formule répétée : « En ce temps-là, j’étais en mon adolescence », reprise mélodique dans les vers libres comme des vagues de réminiscence du passé : « - Je m’en souviens, je m’en souviens, j’y ai souvent pensé depuis - ».
- Des références autobiographiques authentiques « Et je partis moi aussi pour accompagner le voyageur en bijouterie qui se rendait à Kharbine » se combinent avec des allusions aux événements contemporains (révolution de 1905) « En Sibérie tonnait le canon, c’était la guerre ». Cendrars se qualifie de « fort mauvais poète » et s’autocite à plusieurs reprises en évoquant un de ses premiers écrits plus ou moins attesté dans sa bibliographie personnelle « Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode ». Le va et vient est permanent entre son présent d’écriture et l’adolescent qu’il était. Le présent d’énonciation apparaît d’ailleurs à la fin de l’extrait : « Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais ».
- L’expression des sentiments est développée dans la métaphore filée du feu qui explicite sa « si ardente et si folle » adolescence avec sa soif et sa faim de tout connaître, sans jamais être satisfait « Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours ». De « mon cœur tour à tour brûlait » à l’expression finale « Et la seule flamme de l’univers est une pauvre pensée » le feu cependant faiblit. On remarque que, peu à peu, le froid sibérien vient refroidir l’ardeur initiale « Les vitres sont givrées » et « Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais ». Nous reviendrons plus loin sur ce « refroidissement » de l’enthousiasme juvénile.
Jamais le poète ne désigne de destinataire dans ce long voyage dans la mémoire comme s’il refaisait le parcours dans