Barbelo - pièce de théâtre
C'est l'histoire de Milena. Elle est jeune, elle a un mari - cadre du Parti aux activités aussi mystérieuses pour Milena qu'elles sont claires pour nous - elle pense être enceinte, elle s'applique avec conscience à vivre une vie de femme normale. Sauf que, sous l'influence de sa grossesse présumée, sa vie prend l'allure d'un parcours initiatique.
Telle une Alice au pays des merveilles du 21e siècle, elle croise sur son chemin de curieux personnages qui, comme dans tous les contes de fées (et nous savons combien les contes de fées sont cauchemardesques) vont la faire grandir. C'est d'abord Zoran, le fils ogre de son mari. Une mater dolorosa ensuite, qui parle de ses quatre chiens aux noms d'apôtres comme de ses fils.
Suivront, passeront et reviendront : un voisin flic à la fois infantile et diabolique ; un SDF attaché à une chienne comme au giron de sa maman ; une jeune femme
- son double exact et son exact contraire - qui n'est autre que la mère défunte de
Zoran ; un vieil homme qui craint son fils autant que les maisons de retraite ; un gynécologue aux ongles canins et sa réplique en vétérinaire ; sa propre mère enfin, une Winnie beckettienne qui traverse le chaos sans se départir de ses confiantes certitudes.Milena finira par creuser son juste sillon, dans un monde où les morts se mêlent aux vivants, où un chien vaut un être humain, où les pères craignent les fils, où le ventre des femmes n'enfante plus... Et alors ? Alors, la Sainte Famille a la vie dure mais, à l'issue du périple de Milena, quelque chose a bougé dans les repères séculaires de l'humanité. La dernière pièce de Biljana Srbljanovic - la plus personnelle - distille une inquiétante étrangeté à travers de francs éclats ludiques et joyeux qu'elle nous livre en faisant intrusion, par ses drôles de didascalies, dans la vie de ses personnages. L'art d'Anne Bisang pour tenir les textes à distance dans un mélange de sombre élégance et d'humour