Auvray hélas ! qu'est ce de l'homme
Ce n’est qu’une vapeur qu’un petit vent emporte,
Vapeur, non une fleur qui éclose au matin,
Vieillit sur le midy, puis au soir elle est morte.
Une fleur, mais plustost un torrent mene-bruit
Qui rencontre bien tost le gouffre où il se plonge:
Torrent non, c’est plustost le songe d’une nuict,
Un songe! non vrayement, mais c’est l’ombre d’un songe.
Encor l’ombre demeure un moment arresté;
L’homme n’arreste rien en sa course legere,
Le songe quelquefois predit la vérité,
Nostre vie est tousjours trompeuse et mensongere.
Maint torrent s’entretient en son rapide cours,
On ne void point tarir la source de son onde,
Mais un homme estant mort, il est mort pour tousjours
Et ne marche jamais sur le plancher du monde.
Bien que morte est la fleur la plante ne l’est pas,
En une autre saison d’autres fleurs elle engendre:
Mais l’homme ayant franchy le sueil de son trespas,
Les fleurs qu’il nous produit sont les vers et la cendre.
Aussi tost que du vent le bourasque est passé,
La vapeur se rejoint estroitement serrée,
Mais quand la pasle mort son dard nous a lancé,
Nostre ame est pour long-temps de son corps separee.
Qu’est-ce de l’homme donc qui tant est estimé,
Ce n’est rien puis que rien si leger ne nous semble,
Ou si c’est quelque chose il sera bien nommé
Vapeur, fleur, torrent, songe, ombre, et rien tout