Agnus scythicus-diderot
Texte :
L'agnus Scythicus est une plante dont on disait qu'elle broutait... Plusieurs savants, sans l'avoir jamais vue, avaient vanté ses propriétés prodigieuses. L'article de Diderot lui consacre est un exemple très représentatif de la méthode de détournement employée par les encyclopédistes. Le choix d'une plante devient ainsi le prétexte d'un développement critique dénonçant ces jugements sans preuve, les préjugés, la croyance facile au merveilleux. Parallèlement, se mettent en place les étapes d'un raisonnement qui relève de l'esprit d'examen.
Cet article nous fournira des réflexions plus utiles contre la superstition et le préjugé, que le duvet de l'agneau de Scythie contre le crachement de sang. Kircher3, et après Kircher. Jules César Scaliger4, écrivent une fable merveilleuse ; et ils l'écrivent avec ce ton de gravité et de persuasion qui ne manque jamais d'en imposer. Ce sont des gens dont les lumières et la probité ne sont pas suspectes : tout dépose en leur faveur ; ils sont crus ; et par qui ? par les premiers génies de leur temps ; et voilà tout d'un coup une nuée de témoignages plus puissante que le leur qui le fortifient, et qui forment pour ceux qui viendront un poids d'autorité auquel ils n'auront ni la force ni le courage de résister, et l'agneau de Scythie passera pour un être réel. Il faut distinguer les faits en deux classes ; en faits simples et ordinaires, et en faits extraordinaires et prodigieux. Les témoignages de quelques personnes instruites et véridiques suffisent pour les faits simples; les autres demandent, pour l'homme qui pense, des autorités plus fortes. Il faut en général que les autorités soient en raison inverse de la vraisemblance des faits ; c'est-à-dire d'autant plus nombreuses et plus grandes, que la vraisemblance est moindre. Il faut subdiviser les faits, tant simples qu'extraordinaires, en transitoires et per-