l'illusion comique
J' en attends peu de chose, et brûle de le voir.
J' ai de l' impatience, et je manque d' espoir.
Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes, qu' ont éloigné de moi des traitements trop rudes, et que depuis dix ans je cherche en tant de lieux, a caché pour jamais sa présence à mes yeux.
Sous ombre qu' il prenait un peu trop de licence, contre ses libertés je roidis ma puissance ; je croyais le dompter à force de punir, et ma sévérité ne fit que le bannir.
Mon âme vit l' erreur dont elle était séduite : je l' outrageais présent, et je pleurai sa fuite ; et l' amour paternel me fit bientôt sentir d' une injuste rigueur un juste repentir.
Il l' a fallu chercher : j' ai vu dans mon voyage le Pô, le Rhin, la Meuse, et la Seine, et le Tage : toujours le même soin travaille mes esprits ; et ces longues erreurs ne m' en ont rien appris.
Enfin, au désespoir de perdre tant de peine, et n' attendant plus rien de la prudence humaine, pour trouver quelque borne à tant de maux soufferts, j' ai déjà sur ce point consulté les enfers.
J' ai vu les plus fameux en la haute science dont vous dites qu' Alcandre a tant d' expérience : on m' en faisait l' état que vous faites de lui, et pas un d' eux n' a pu soulager mon ennui.
L' enfer devient muet quand il me faut répondre, ou ne me répond rien qu' afin de me confondre.
Dorante.
Ne traitez pas Alcandre en homme du commun ; ce qu' il sait en son art n' est connu de pas un.
Je ne vous dirai point qu' il commande au tonnerre, qu' il fait enfler les mers, qu' il fait trembler la terre ; que de l' air, qu' il mutine en mille tourbillons, contre ses ennemis il fait des bataillons ; que de ses mots savants les forces inconnues transportent les rochers, font descendre les nues, et briller dans la nuit l' éclat de deux soleils ; vous n' avez pas besoin de miracles pareils : il suffira pour vous qu' il lit dans les pensées, qu' il connaît l' avenir et les choses passées ; rien n' est secret