L'homme à la mer

306 mots 2 pages
« L’Homme et la merx ». Le voyage vers l’île de Vénus est vécu comme promesse d’Idéal tant que l’île reste fantasmée. Mais lorsqu’à son approche, le poète rencontre « un gibet symbolique où pendait [s]on image », il bascule dans l’horreur et réagit en priant :

– Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage
De contempler mon cœur et mon corps sans dégoûtxi !

Il s’agit bien sûr d’un cri de détresse pour échapper au désespoir, mais, plus profondément, il faut aussi comprendre cette prière comme un souhait de supporter la désillusion après avoir contemplé l’infini. La mer offre à l’homme une image idéale de lui-même mais elle ne le dispense pas de se retrouver face à soi dans l’étroit champ du réel. Seul Dieu, qui est à l’origine de cette harmonie entre la création et lui, pourrait alors être secourable.

Ce cri vers Dieu, expression violente de prière et de désespoir comme l’a si bien montré Jérôme Thélotxii, traduit toute l’ambivalence du sentiment baudelairien face à la mer et permet de cerner plus précisément la symbolique qu’elle recouvre. Par sa position médiane dans le système analogique, la mer ouvre à l’Idéal, à l’infini, voire à l’image du Créateur en l’homme ; mais elle renvoie aussi à la face humaine, et porte la menace de l’irrémédiable enfermement face à « un phare ironique, infernal », « la conscience dans le Mal », ou tout simplement la banale contemplation de soi, l’« Obsession » qui interdit toute ouverture vers l’altérité. Dès lors s’imposent les conditions sous lesquelles la mer peut remplir sa fonction analogique, tandis que se dessinent les traits de sa mise en représentation. Pour conjurer le retour au même, la mer doit être perpétuellement ouverture vers l’ailleurs, promesse

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