L'euthanasie
Le cas des immigrés commence heureusement à devenir plus clair dans l’esprit de beaucoup. Oh ! le racisme n’est pas mort, loin de là ! Du moins sa dénonciation n’est-elle plus tout à fait sans effet : le plus souvent le raciste est devenu honteux. Il se défend vigoureusement de l’être, il accuse au contraire d’être raciste celui qu’il rejette pour sa langue, son origine ou, bien sûr, sa couleur, car chacun sait que le blanc n’est pas une couleur. Ce n’est qu’un progrès modeste sans doute, mais c’est quand même un progrès. Seulement, le racisme n’est qu’un des éléments – le plus sensible peut-être, non le plus grave au fond – du sort des immigrés. La honte, c’est plus encore la situation matérielle qui leur est faite. Ils sont importés comme des animaux du zoo et souvent moins bien logés qu’eux. Ils assument les tâches les plus rebutantes, les métiers les plus durs et, parfois, les plus malsains, ceux dont les Français ne veulent plus. Ils sont payés juste assez pour que, du fond de leur misère, dans leurs douars écrasés de soleil et leurs villages aux terres arides, d’autres, malheureux comme eux, rêvent de devenir, à leur tour, manœuvres chez Renault, mineurs dans le Pas-de-Calais, éboueurs à Paris, cet eldorado. Parqués, rejetés, condamnés à la solitude, ils sont des victimes de choix pour les petits chefs les plus hargneux de la bureaucratie la plus tatillonne, la police la plus soupçonneuse, qui les suspecte a priori de tous les vols et de tous les viols, bien que, parmi eux, le taux de criminalité soit légèrement inférieur à la moyenne nationale. Perdus dans un monde où les coutumes, les mœurs, et souvent la langue, leur sont étrangères, trop peu reçoivent une formation, une instruction, une initiation à notre langage, sauf pour les chanceux qui bénéficient d’une aide bénévole et bien insuffisante encore. Les travailleurs immigrés sont, dit-on, nécessaires à l’économie, à la prospérité de la nation. Alors, traitons-les