L'art nous détourne-t'il de la réalité ?
INTRODUCTION
La difficulté que l'on rencontre quand on essaie de penser l'art consiste en ce que l'art, dont la définition pose problème au moins autant que celle de la réalité, est confronté à ce terme comme à une référence absolue. Nous devrons nous demander dans quelle mesure il est vrai que nous maîtrisons conceptuellement ce que nous présentons comme un point de repère. Comment chercher ce qu'il y a dans l'art de plus que dans la réalité alors que l'art lui-même est un moment du réel et que ce que nous appelons réel n'est pas très assuré ?
En tentant de faire naître le sens de cette confrontation entre ces deux instances, dont il n'est pas absolument clair qu'elles entretiennent un rapport hiérarchique, par exemple au sens où l'une serait plus réelle que l'autre, nous serons sans doute amenés à une remise en question de la question elle-même. Il faudra se demander, en abordant le problème de manière frontale, si cette confrontation entre art et réalité permet de mieux comprendre ce qu'est l'art, ou si nous perdons à travers une telle thématique, à la fois l'art et la réalité dans une dissociation qui ne nous aide en rien, si ce n'est seulement dans le refus que nous pouvons en formuler.
Mais avant d'en venir à cette remise en question de la question elle-même, nous devons rendre raison, comme préalable à notre démarche, de la nécessité de l'abandon, pour donner un sens à cette recherche, de la position platonicienne.
I. IL N'Y A RIEN DANS L'ART DE PLUS QUE DANS LA RÉALITÉ. L'ART COMME DEGRADATION DE LA RÉALITÉ
Platon I, souligne que l'art est une double dégradation de la Réalité, une dégradation au carré de la Réalité, qui se perd déjà dans l'incarnation concrète qu'en réalise l'artisan, et continue de se perdre de nouveau dans la copie de cette dégradation que réalise l'artiste. Et si l'artiste peut varier infiniment ce qu'il copie, à la différence de l'artisan, qui se cantonne dans l'exécution d'un seul