L'art est-il imitation?
Chez Platon, le domaine de la mimésis est celui du simulacre, icône ou idole, qui se substitue, de façon bénéfique ou maléfique, à l’absence du vrai. Penser les “mimémata”, c’est toujours, pour Platon, réfléchir l’effet, de signification ou de fascination, qu’ils produisent sur l’esprit.
Le domaine de ce qu’Aristote nomme à son tour la mimésis est infiniment plus vaste. Il ne comprend pas seulement les effets sémantiques ou esthétiques suscités par la ressemblance, il se rapporte plus encore à l’univers en sa totalité, c’est-à-dire à l’ensemble des êtres qui, par le mouvement qui les anime, tendent vers une fin. Platon pensait la mimésis à la façon des anciens sophistes et rhéteurs, qui s’efforçaient de comprendre et de classer les impressions que leurs discours produisaient sur les âmes des auditeurs. C’est ainsi que dans le Phèdre, Socrate déclare qu’il existe autant de types de discours persuasifs qu’il y a d’espèces d’âmes (271 d sq). A chaque caractère correspond alors un mode particulier du discours. La rhétorique se fonde sur la connaissance des passions de l’âme, et la psychagogie est en définitive une psychologie. A l’inverse, chez Aristote, la mimésis est de l’ordre de l’action plutôt que de la passion, elle est une puissance qui produit des œuvres effectives, “poiêtique” donc, et non seulement une apparence séduisante qui peut aussi bien n’être qu’un faux semblant.
Il faut dire davantage : non seulement la mimésis est de l’ordre de l’action plutôt que de la contemplation, mais encore toute action, en tant qu’elle tend vers une fin, tout mouvement, en tant qu’une cause finale le motive, est mimétique en son essence. Qu’est-ce donc en effet que tendre vers une fin, sinon s’efforcer de rejoindre un modèle auquel on désire s’identifier, imiter, le plus qu’il est possible, une forme d’existence plus parfaite dont notre existence présente souffre la privation (stérêsis)? L’imitation est en ce sens, pour