Tartufe
Nous sommes dans une scène traditionnelle dans la comédie : un mari, caché, assiste à la tromperie de sa femme. Cependant ici ce n'est pas la femme qui trompe, mais Tartuffe, et le mari est complice de la situation.
A priori cette situation d'énonciation rend la scène comique : Orgon est certes caché, mais la mise en scène peut l'amener à se faire voir du public par instants. Le rire vient du sentiment de supériorité du public : il sait ce que Tartuffe ignore. Il comprendra alors la double énonciation des répliques d'Elmire. Elles sont à la fois destinées à Tartuffe, pour lui faire croire à sa sincérité et l'amener ainsi à se dévoiler, mais aussi à Orgon, pour qu'il mesure l'hypocrisie de Tartuffe : les vers 1479-1480 soulignent l'opposition à la rime entre la réalité du désir coupable(”vous voulez”) et l'apparence de la dévotion (”vous parlez”).
Ce double jeu apparaît nettement dans l'emploi du pronom “on” : le “on” du langage précieux qui désigne l'objet aimé ( Elmire pour Tartuffe au v. 1481, Tartuffe pour Elmire aux v. 1510, 1513-1515) et le “on” qui désigne Orgon dans ces mêmes vers 1510-1515, à double sens car Elmire tente de l'alerter.
Les réactions d’Orgon évoluent au fil des scènes.
Pendant toute la scène 5, Orgon ne réagit ni à l'hypocrisie du langage de Tartuffe, ni à la gêne croissante d'Elmire, soulignée par les didascalies (la toux) et par le commentaire de Tartuffe. Cette absence de réaction est d'ailleurs relevée par Elmire, par des répliques à double sens : “un rhume obstiné” (l'entêtement d'Orgon), le vers 1501, avec le double sens du “on”.
La sortie d'Orgon, à la scène 6, est due à son amour-propre : il n'a réagi qu'à la critique de Tartuffe contre lui (v. 1524-1526). Cela est marqué par l'ironie d'Elmire avec les interrogations oratoires (v. 1531), les impératifs ironiques. Le public rit de la bêtise d'Orgon et de sa colère qui le conduit à inverser de son langage contre Tartuffe