L'élargissement démesuré et la surmédiatisation dont il fait l'objet dans les sociétés contemporaines ont à ce point bouleversé l'impact du sport dans sa relation aux institutions fondamentales, qu'une question se pose : n'est-il pas devenu l'ennemi de la morale ? Tel est l'enjeu de ce corpus. Le premier document est extrait d'un essai paru en 1976 sous le titre L’Équilibre et l’harmonie, dans lequel le philosophe Gustave Thibon voit dans la survalorisation du sport l'échec même de sa démocratisation. Rédigé la même année par l'écrivain Jean Giono, le deuxième document provient de chroniques journalistiques : Les Terrasses de l’île d'Elbe. Dans cet article intitulé « Le Sport », l'auteur s'en prend de façon très polémique au statut de champion sportif. Cette transformation de l'exploit sportif en phénomène médiatique constitue pour Jean-Marie Brohm un vecteur d’aliénation sociale, comme le mentionne explicitement le titre de son essai paru en 2006, La Tyrannie sportive : théorie critique d'un opium du peuple. Quant au dernier document, il s'agit des paroles d'une chanson intitulée « Les champions / Tennis métaphore » (1997) dans laquelle Charlélie Couture met à mal, à travers l'exemple du tennis, le mythe moderne du héros sportif.
Comme nous le voyons, tous les documents amènent à interroger moralement cette surmédiatisation et les dérives qu'elle entraîne. Nous étudierons cette problématique selon trois axes : après avoir rappelé dans quelle mesure pour les auteurs l'avènement du sport contemporain comme phénomène de masse en détourne les finalités, nous verrons à travers le corpus comment les spectacles sportifs sont devenus la face obscure de l'élitisme et l'un des paramètres de la manipulation politique des foules. Enfin, le dossier nous invitera, sous un angle plus épistémologique, à développer une réflexion quant à la nécessaire redéfinition du champ sportif et des enjeux qui lui sont associés.