scène du repas
De l'extrémité nord du parc, les magnolias versent leur odeur qui va de dune en dune jusqu'à rien. Le vent, ce soir, est du sud. Un homme rôde, boulevard de la Mer. Une femme le sait.
Le saumon passe de l'un à l'autre suivant un rituel que rien ne trouble, sinon la peur cachée de chacun que tant de perfection tout à coup ne se brise ou ne s'entache d'une trop évidente absurdité. Dehors, dans le parc, les magnolias élaborent leur floraison funèbre dans la nuit noire du printemps naissant.
Avec le ressac du vent qui va, vient, se cogne aux obstacle de la ville, et repart, le parfum atteint l'homme et le lâche, alternativement.
Des femmes, à la cuisine, achèvent de parfaire la suite, la sueur au front, l'honneur à vif, elles écorchent un canard mort dans son linceul d'orange. Cependant que rose, mielleux, mais déjà déformé par le temps très court qui vient de se passer, le saumon des eaux libres de l'océan continue sa marche inéluctable vers sa totale disparition et que la crainte d'un manquement quelconque au cérémonial qui accompagne celle-ci se dissipe peu à peu.
Un homme, face à une femme, regarde cette inconnue. Ses seins sont de nouveau à moitié nus. Elle ajusta hâtivement sa robe. Entre eux se fane une fleur. Dans ses yeux élargis, immodérés, des lueurs de lucidité passent encore, suffisante pour qu'elle arrive à se servir à son tour du saumon des autres gens.
A la cuisine, on ose enfin le dire, le canard étant prêt, et au chaud, dans le répit qui s'ensuit, qu'elle exagère.