Scenes comiques
AGNES Fort belle.
ARNOLPHE Le beau jour!
AGNES Fort beau.
ARNOLPHE Quelle nouvelle?
AGNES Le petit chat est mort.
ARNOLPHE C'est dommage; mais quoi! Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi. Lorsque j'étais aux champs, n'a-t-il point fait de pluie?
AGNES Non.
ARNOLPHE Vous ennuyait-il?
AGNES Jamais je ne m'ennuie.
ARNOLPHE Qu'avez-vous fait encor ces neuf ou dix jours-ci?
AGNES Six chemises, je pense, et six coiffes aussi.
ARNOLPHE, ayant un peu rêvé. Le monde, chère Agnès, est une étrange chose! Voyez la médisance, et comme chacun cause! Quelques voisins m'ont dit qu'un jeune homme inconnu Etait, en mon absence, à la maison venu; Que vous aviez souffert sa vue et ses harangues. Mais je n'ai point pris foi sur ces méchantes langues, Et j'ai voulu gager que c'était faussement...
AGNES Mon Dieu! ne gagez pas, vous perdriez vraiment.
ARNOLPHE Quoi! c'est la vérité qu'un homme...
AGNES Chose sûre, Il n'a presque bougé de chez nous, je vous jure.
ARNOLPHE, bas à part. Cet aveu qu'elle fait avec sincérité Me marque pour le moins son ingénuité.
(Haut.)
Mais il me semble, Agnès, si ma mémoire est bonne, Que j'avais défendu que vous vissiez personne.
AGNES Oui; mais quand je l'ai vu, vous ignoriez pourquoi; Et vous en auriez fait, sans doute, autant que moi.
ARNOLPHE Peut-être. Mais enfin contez-moi cette histoire.
AGNES Elle est fort étonnante, et difficile à croire. J'étais sur le balcon à travailler au frais, Lorsque je vis passer sous les arbres d'auprès Un jeune homme bien fait, qui, rencontrant ma vue, D'une humble révérence aussitôt me salue:
Moi, pour ne point manquer à la civilité, Je fis