sassure
"Pour certaines personnes la langue, ramenée à son principe essentiel, est une nomenclature, c'est-à-dire une liste de termes correspondant à autant de choses. [...] Cette conception est critiquable à bien des égards. Elle suppose des idées toutes faites préexistant aux mots [...] ; elle ne nous dit pas si le mot est de nature vocale ou psychique [...] ; enfin elle laisse supposer que le lien qui unit un nom à une chose est une opération toute simple, ce qui est loin d'être vrai. Cependant cette vue simpliste peut nous approcher de la vérité, en nous montrant que l'unité linguistique est une chose double, faite du rapprochement de deux termes. [...] Le signe linguistique unit non une chose et un nom mais un concept et une image acoustique. Cette dernière n'est pas le son matériel, chose purement physique, mais l'empreinte psychique de ce son, la représentation que nous en donne le témoignage de nos sens ; elle est sensorielle, et s'il nous arrive de l'appeler "matérielle", c'est seulement dans ce sens et par opposition à l'autre terme de l'association, le concept, généralement plus abstrait. Le caractère psychique de nos images acoustiques apparaît bien quand nous observons notre propre langage. Sans remuer les lèvres ni la langue, nous pouvons nous parler à nous-mêmes ou nous réciter mentalement une pièce de vers. C'est parce que les mots de la langue sont pour nous des images acoustiques qu'il faut éviter de parler des « phonèmes » dont ils sont composés. Ce terme, impliquant une idée d'action vocale, ne peut convenir qu'au mot parlé, à la réalisation de l'image intérieure dans le discours. En parlant des sons et des syllabes d'un mot, on évite ce malentendu, pourvu qu'on se souvienne qu'il s'agit de l'image acoustique. [...] Ces deux éléments sont intimement liés et s'appellent l'un l'autre. [...] Cette définition pose une importante question de terminologie. Nous appelons signe la