Rédaction v. ensorcelé
Cela dura jusqu'au jour où dans l'immeuble que j'habitais depuis de longues années, on découvrit un matin une sexagénaire retraitée asphyxiée par le gaz ; elle s'était tuée parce qu'elle avait perdu les trente mille lires de sa pension qu'elle avait touchée la veille (et qui avaient fini dans mes mains).
Assez, assez ! pour ne pas m'enfoncer dans l'abîme, je devais me débarrasser de mon veston. Mais non pas en le cédant à quelqu'un d'autre, parce que l'opprobre aurait continué (qui aurait pu résister à un tel attrait ?). Il devenait indispensable de le détruire.
J'arrivai en voiture dans une vallée perdue des Alpes. Je laissai mon auto sur un terre-plein herbeux et je me dirigeai droit sur le bois. Il n'y avait pas âme qui vive. Après avoir dépassé le bourg, j'atteignis le gravier de la moraine. Là, entre deux gigantesques rochers, je tirai du sac tyrolien l'infâme veston, l'imbibai d'essence et y mis le feu. En quelques minutes il ne resta que des cendres.
Mais à la dernière lueur des flammes, derrière moi (à deux ou trois mètres aurait-on dit, une voix humaine retentit : «Trop tard, trop tard !» Terrorisé, je me retournai d'un mouvement brusque comme si un serpent m'avait piqué. Mais il n'y avait personne en vue. J'explorai tout alentour, sautant d'une roche à l'autre, pour débusquer le maudit qui me jouait ce tour. Rien. Il n'y avait que des pierres.
Malgré l'épouvante que j'éprouvais, je redescendis dans la vallée, avec une sensation de soulagement. Libre finalement. Et riche, heureusement.
Mais sur le talus, ma voiture n'était plus là. Et lorsque je fus rentré en ville, ma somptueuse villa