Dans A quoi rêvent les jeunes filles, Alfred de Musset dit que « La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve, et vous aurez vécu, si vous avez aimé », une affirmation romantique dressant un parallèle intéressant entre le rêve et la réalité. Selon lui, c'est l'amour qui permet de vivre ; mais la vie n'est finalement qu'un songe dans lequel l'humain peut pleinement s'épanouir. Ces notions d'amour, de rêve, de réalité sont des éléments fondateurs de la psychologie des personnages de la littérature romantique. Justement, Mariane Bury, après avoir évoqué Ruy Blas, le classe parmi les « héros romantiques [qui] représentent le désaccord entre le rêve et l'action ». Si le rêve marque une absence profonde de réalité ou un détachement complet de celle-ci, le terme d' « action » diffère de la notion de « pensée » et prouve une capacité d'agir, de réaliser quelque chose. Ruy Blas est-il incapable d'agir dès lors qu'il rêve ou ses aspirations le mènent-ils à une réalité qu'il ne peut éviter ?
Pour Ruy Blas, comme pour Hamlet, il est impossible d'échapper au passé. Ruy Blas est un personnage marginal, tentant de regagner une place à la hauteur de sa dignité morale. Ce héros romantique, né orphelin, doit rassembler les morceaux d'une identité éparse, brisée dès l'enfance. Le héros romantique se définit entre autres comme un être avec un profond clivage intérieur. Ici, ce conflit se ramifie et finit par monopoliser l'ensemble de la scène psychologique du héros. Ruy Blas est un homme du peuple dont l'origine est aggravée par sa condition de laquais. Le héros doit alors exacerber son génie et refouler sa part maudire, se mutiler pour correspondre à l'image que la société se fait de sa grandeur. Mais a défaut d'un présent, le personnage a un passé. Il était pauvre mais d'une réelle liberté comme il le prétend en disant « heureux temps de joie et de misère ». Né dans un peuple, Ruy Blas possède de grandes qualités pour réussir : intelligent, instruit, ambitieux, il allie